La dépression du perfectionniste : Naviguer entre l'Idéal et le Réel

dépression du perfectionnisme Youssef Bekkaoui Psychologue Rabat

Au cœur de la nature humaine réside un profond désir d'absolu. C'est ce désir qui pousse certains à édifier des sociétés totalitaires, tandis que d'autres, en quête de pouvoir, cherchent refuge dans des idéaux situés en dehors de notre monde, qu'ils soient ancrés dans un passé glorieux, un présent idéalisé ou un avenir prometteur, voire même dans un au-delà mystique.


Il convient de se demander pourquoi il est si difficile pour nous d'accepter le monde tel qu'il est, avec ses imperfections, et de l'accueillir avec sérénité. Pourquoi, par nature, avons-nous cette inclination à penser en termes absolus, où le "OU" prévaut souvent sur le "ET", et où l'idéal devance souvent le possible ?


La complexité de notre relation avec la réalité est un sujet fascinant. En tant qu'êtres humains, nous évoluons dans un monde fini, alors que notre esprit, lui, connaît une infinité de possibilités. Notre capacité à concevoir et à désirer est quasi illimitée, comme si nous étions des divinités enfermées dans une enveloppe biologique. Toutefois, le temps nous enseigne progressivement l'humilité, comme l'exprimait si justement Pierre Reverdy : "On est orgueilleux par nature, modeste par nécessité."


Le "Moi" peut concevoir tout ce qu'il désire, mais ce sont nos besoins et les contraintes de la réalité qui finissent par restreindre notre volonté, mettant de l'ordre dans nos pensées comme on élaguerait des branches sauvages. C'est de cette limitation que naissent parfois les jugements de "folie" ou d'"imbécillité" envers ceux qui osent s'aventurer hors des sentiers de l'humilité.


Mais de quelle forme d'humilité parlons-nous ? Celle de l'individu qui renonce à ses rêves par manque de courage ou de pouvoir, ou celle de la conscience éclairée qui perçoit à la fois les réalités du monde et les possibilités de progrès ? Pour reprendre les mots poétiques de Vladimir Jankélévitch, "L'humble ne file pas la laine à la maison sur la quenouille de la fidélité, mais, acceptant sa propre nihilisation, il choisit aventureusement le chemin des crêtes, qui est chemin de l'événement, du courage et de l'amour ; il suit du pas de l'humilité le sentier périlleux de la sublimité."


Car au cœur du désir humain brûle une quête insatiable de sublime. Cette soif se métamorphose en dégoût, colère ou rage lorsque nous sommes confrontés au laid, à l'humiliant et à l'injuste. Pourtant, c'est dans cette tension entre l'idéal et le réel que se trouve l'essence même de notre humanité.

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